Mauvais choix

Je suis allée à sa rencontre tout près de l’opéra Garnier, boulevard des Italiens, non loin des cinémas, des boutiques et des restaurants que j’affectionne tant. Il était là, parmi tant d’autres, mais ce n’est pas lui que j’ai choisi.

Je l’ai délaissé pour un autre, moins classe, plus moderne, plus naturel et aux traits plus épais. Nous avons échangés quelques mots qui exprimaient la fraîcheur, la joie de vivre et la simplicité. Cela a ravivé en moi des sensations plaisantes de mon enfance. Séduite par son allure solide et ferme, je l’ai très vite emmené à mon appartement. Malgré mon inconfort devant sa robustesse et sa tiédeur, nos étreintes sont devenues fluides et puissantes.

Toutefois, le lendemain matin, nos rapports sont devenus de plus en plus difficiles. J’ai senti son manque d’assurance sous le poids de mes mots. Un décalage s’est rapidement fait sentir entre mes pensées et sa capacité à les interpréter. La lenteur de nos échanges m’a très vite dérangée et sa résistance m’a de plus en plus énervée. J’ai dû le secouer à plusieurs reprises pour qu’il s’exprime. Les mots s’effritaient, s’amincissaient, dégoulinaient lamentablement. Ils devenaient pesants et oppressants.

Le soir même, je suis retournée tout près de l’opéra Garnier, boulevard des Italiens, non loin des cinémas, des boutiques et des restaurants que j’affectionne tant. Il était là, parmi tant d’autres, et cette fois-ci c’est lui que j’ai choisi, abandonnant l’autre, impuissant, derrière moi.

Il était très classique, très classe, brillant, étincelant, flamboyant. Nous avons échangé quelques mots, ordinaires. Décontenancée mais charmée par sa parure éclatante et éblouissante, je l’ai quand même emmené à mon appartement. Les sensations entre lui et moi furent très rapidement pures et parfaites. Le bleu de ses mots l’ont rendu plus libre, plus frais, plus léger que je n’aurais osé l’imaginer. Il sut retranscrire mes pensées les plus profondes avec une telle intensité, que j’en fus intensément troublée. Une idée en amenant une autre, nos étreintes ont duré très longtemps. Il est devenu le gardien de mes écrits et il souligne mon imagination de son trait impeccable. L’encre bleue coule et les mots naviguent à la surface du papier. Mon stylo Waterman ensoleille mes textes sous sa plume dorée.

© Texte : Barbara Croft
© Illustration Paris en lavis “Boulevard des Italiens” : Regis Broustet
Stylo plume Waterman Hemisphère “Noir de Mars attributs dorés” acheté chez Opéra Stylo : 26 bd des Italiens – 75009 Paris